GESTION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
SE PRÉPARER MAINTENANT POUR L'APRÈS
Déconfinement autorisé (en cours ou à venir) oblige, les employeurs sont concentrés sur la prévention afin d’offrir un environnement de travail sécuritaire à leurs travailleurs malgré la pandémie et de rassurer ces derniers1. La gestion des réclamations déposées à la CNESST, COVID-19 ou pas, ne doit pas être négligée, malgré les obstacles actuels. L’impact financier pourrait être majeur pour un bon nombre d’employeurs2, à moins d’une mesure gouvernementale exceptionnelle. Au rythme où vont les choses, au moment d’écrire ces quelques lignes, rien n’est exclu. Au travers de vos multiples obligations, il peut être intéressant de prendre un moment pour acquérir ou parfaire ses connaissances en matière de gestion des lésions professionnelles.
Il est certain qu’un nombre impressionnant de réclamations liées à une infection à la COVID-19 a déjà été soumis à la CNESST, et avec la reprise de l’économie, d’autres sont à venir. Toutefois, le virus est partout et pas seulement au travail. Il faudra voir ce que la jurisprudence nous réserve sur l’admissibilité des cas litigieux. En 2015, dans un cas où un travailleur a allégué avoir côtoyé un voyageur fiévreux en provenance d’un pays touché par l’Ebola, la Commission des lésions professionnelles a renversé la décision de la CSST qui avait accepté la réclamation pour une « exposition au virus Ebola »3. Le travailleur a réclamé à la CNESST pour être indemnisé pour la demi-journée de travail perdue quand il a décidé de consulter un médecin et pour ses frais de transport ambulancier vers l’hôpital. Or, le médecin consulté a confirmé l’absence de symptômes pertinents et l’inutilité d’un isolement. Cette décision démontre qu’une enquête peut être déterminante dans le contexte actuel, tout comme la maîtrise des critères de reconnaissance d’une lésion professionnelle.
Prenons un autre exemple: un travailleur questionne son supérieur sur les prestations qui s’offrent à lui s’il contracte la COVID-19 en dehors du travail. Quelques jours plus tard, il allègue une entorse lombaire survenue au travail. La réclamation est peut-être bien fondée. Elle ne l’est peut-être pas. Le doute de l’employeur est légitime, d’autant plus que l’enquête d’accident révèle l’absence d’un événement imprévu et soudain. Pour en avoir le cœur net et pour limiter l’accès aux prestations prévues par la LATMP à ceux qui y ont réellement droit, l’enquête et l’analyse d’accident complète, rapide et efficace s’imposent. Il faut savoir quelles questions poser, quelles circonstances documenter et quels arguments présenter à la CNESST avant qu’une décision ne soit rendue.
Si plusieurs de vos travailleurs ont poursuivi leurs activités en télétravail, vous ne pouvez pas écarter la possibilité qu’ils allèguent, eux aussi, une lésion professionnelle, selon les circonstances. Notamment, transformer son comptoir de cuisine en poste de travail informatique n’est peut-être pas idéal d’un point de vue ergonomique. Est-ce la source d’une entorse cervicale? Pas nécessairement. Le lien de subordination persiste en télétravail de même que les obligations de l’employeur et du travailleur en matière de protection de la santé, de la sécurité et de l’intégrité physique et psychologique, avec les adaptations nécessaires. Un employeur qui aura mis en place une procédure de déclaration d’accident claire en situation de télétravail, et qui ouvrira le dialogue sur les risques de lésions professionnelles en mettant en place certaines mesures propres à minimiser les risques, pourra plus facilement démontrer une absence de lésion professionnelle. Il faut savoir documenter ses actions et prévoir un encadrement approprié.
Suivant l’évolution des restrictions que nous connaissons depuis que le Québec a été mis «sur pause» le 13 mars dernier, différents outils de gestion pourront bientôt, nous l’espérons, être à nouveau utilisés ou plus facilement applicables tels que l’assignation temporaire, l’expertise médicale, le recours au Bureau d’évaluation médicale, la demande de suspension de l’indemnité de remplacement du revenu, etc4. Au retour à une certaine normalité ou à ce qui s’en rapprochera le plus, compte tenu du contexte de la pandémie, les gestionnaires SST seront en première ligne et malheureusement débordés. Ils devront être prêts à faire preuve d’agilité, en maîtrisant les différents concepts et stratégies de gestion et surtout, en mettant rapidement en place celles qui s’imposent.
Les avocats Le Corre & Associés, S.E.N.C.R.L.
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1. https://www.lapresse.ca/affaires/202005/10/01-5273003-retour-au-travail-prudent-dans-les-usines.php
2. Le Corre Express, 27 mars 2020, La CNESST en pause ? 10 choses à savoir sur les conséquences de la pandémie de COVID-19 https://app.abrizo.com/newsletter-view-onlinect=9M_eCfI7dIDcFWKrmKVEl5VZD07RLk9xffMYFZKlQoOcg-PWzGi88ACOWedY5nCU9GaelNoU4ErkFinIzwoeew~~
3. Rossin-Arthiat et Agence services frontaliers Canada, 2015 QCCLP 6209
4. Pour développer ou parfaire vos connaissances, voir nos formations offertes en SST, notamment les 27 et 28 mai, 4 et 10 juin prochains : http://www.lecorre.com/fr/formation.html#formRecherche