La dépression c'est de saison!
Plusieurs personnes souffrant de troubles de l’humeur, dont la dépression, produisent des réclamations à la CNESST pour obtenir une indemnisation. Or, la loi ne prévoit aucune présomption en faveur du travailleur facilitant l’indemnisation d’une lésion psychologique. Il a donc le fardeau de prouver que sa dépression est reliée à son travail.
Bien que le Tribunal administratif du travail (TAT) accepte parfois qu’une maladie soit reliée aux risques particuliers du travail, elle indemnise davantage les lésions psychologiques sous l’angle de l’accident du travail. La notion d’événement imprévu et soudain est alors élargie et englobe une série d’événements à caractère bénin qui, lorsque pris dans leur ensemble, ont ce caractère d’imprévisibilité qui sort du cadre normal du travail. Pour éviter l’application de ce concept, l’employeur doit démontrer que les éléments allégués n’ont pas de caractère inhabituel dans le monde du travail et que leur caractère « blessant » ne résulte que de la perception subjective du travailleur.
Quant à la relation entre la lésion et le travail, elle nécessite une preuve médicale prépondérante, fondée sur des éléments objectifs. Un psychologue n’est pas un professionnel de la santé reconnu par la LATMP.1 Ainsi, son avis ne peut servir à justifier une réclamation, à moins d’être confirmé par un médecin. L’employeur peut recourir aux services d’un psychiatre pour contrer la preuve médicale du travailleur2. Il est important de maximiser cet investissement en relatant au psychiatre les faits et en lui donnant un mandat clair afin d’obtenir l’heure juste, notamment sur le diagnostic de même que sur la cause de celui-ci.
Par ailleurs, les antécédents d’invalidité personnelle à caractère psychologique permettent souvent de mettre en évidence une cause autre que le travail, comme par exemple la dépression qui revient à chaque automne, indépendamment du travail. Une fragilité préexistante n’empêche pas nécessairement l’indemnisation, à la condition toutefois que le travailleur prouve des faits objectivement traumatisants survenus au travail.
Pour le TAT, les tracasseries administratives qui découlent d’une réclamation à la CNESST (expertises, contestations, assignation temporaire, etc.) ne donnent pas ouverture à la reconnaissance d’une lésion professionnelle. Il en est de même pour l’exercice normal du droit de gérance par l’employeur et du mécontentement ou de l’insatisfaction du travailleur face à cet exercice.
Finalement, même si la dépression saisonnière n’entraîne pas d’arrêt de travail ou de réclamation à la CNESST, la productivité d’un travailleur peut en être affectée. Elle peut même engendrer un danger pour le travailleur ou pour ses collègues. Dans un tel cas, l’employeur pourrait être justifié d’exiger que le travailleur se soumette à une expertise, puisqu’il a l’obligation de protéger la santé, la sécurité et l’intégrité physique de ses travailleurs3. Ainsi, réclamations à la CNESST ou pas, l'employeur doit réagir aux problèmes de santé mentale.
Si vous désirez plus d'informations à ce sujet, nous vous invitons à communiquer avec un avocat de notre cabinet ou à assister à notre atelier Santé mentale et relations du travail: comprendre pour mieux agir le 6 décembre prochain.
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1. Location RGC inc. et Boutin, 2017 QCTAT 642, François Ranger
2. Article 209 LATMP
3. Article 51 LSST