Depuis le 6 octobre 2022, des modifications à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles1 sont entrées en vigueur au chapitre de la réadaptation professionnelle afin d’y intégrer expressément l’obligation d’accommodement des employeurs envers les travailleurs qui conservent des limitations fonctionnelles de leur lésion professionnelle. Ces modifications ont, notamment, octroyé à la CNESST des pouvoirs accrus en matière de surveillance et d’encadrement de l’exercice d’accommodement de l’employeur.
S’il y a deux ans, ces modifications suscitaient beaucoup de questions, la jurisprudence du Tribunal administratif du travail, division santé et sécurité du travail (ci-après : « TAT »), s’y est penchée à plusieurs reprises depuis. Voici quelques exemples qui entourent la mise en œuvre de ces obligations maintenant codifiées.
Dans CISSS des Îles (CH) et Vigneau2, l’employeur conteste la décision de la CNESST qui a retenu un autre emploi convenable que celui qu’il avait proposé, chez lui, à la travailleuse. Dans cette affaire, la travailleuse avait démissionné de son emploi et s’était trouvée un emploi de réceptionniste ailleurs. La CNESST avait alors retenu ce nouvel emploi comme étant l’emploi convenable au sens de la LATMP. Le tribunal a accueilli la contestation de l’employeur, car la CNESST devait « évaluer de façon prioritaire s’il existe un emploi convenable chez l’employeur. Le retour du travailleur chez l’employeur sera privilégié et tel que le spécifie l’article 170 de la Loi ». Le TAT retient donc l’emploi convenable offert initialement par l’employeur comme étant celui que la CNESST aurait dû retenir.
Puis, dans Rilio Auzil et Purolator inc. – St-Laurent3, le TAT accueille la contestation du travailleur de la décision de la CNESST qui retenait un emploi convenable chez son employeur. Dans un premier temps, le TAT rappelle qu’au moment de déterminer un emploi convenable, l’employeur et la CNESST doivent considérer la condition globale du travailleur, c’est-à-dire, tenir compte de l’ensemble des limitations, même celles de nature personnelle.
Par ailleurs, toujours dans la même affaire, le TAT précise « qu’il ne désapprouve nullement, a priori, l’idée que l’employeur puisse créer un poste « sur mesure » au bénéfice de l’un de ses travailleurs blessés[29]. Rappelons sur ce point que l’obligation, pour l’employeur, de prendre les mesures d’accommodement raisonnables qui lui incombent, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne[30], s’appliquent également en présence d’un état d’invalidé provenant d’une lésion professionnelle ». Cependant, dans les circonstances de cette affaire, l’emploi « taillé sur mesure » ne permettait pas de répondre au critère de « possibilité raisonnable d’embauche », condition essentielle de la notion d’emploi convenable prévue à la LATMP puisque la démonstration d’une possibilité raisonnable de pérennité n’avait pas été mise en preuve. Le TAT retourne donc le dossier à la CNESST « afin qu’elle en assure la gestion médico-administrative, conformément aux exigences de la [loi]. »
La maîtrise des règles et concepts relatifs à l’accommodement dans le processus de réadaptation prévue à la LATMP est essentielle afin de répondre à vos obligations. Une formation à cet effet pourrait vous permettre de vous assurer de la compréhension de ces règles et d’une saine application, le cas échéant.
Les avocats Le Corre & Associés inc., s.e.n.c.r.l
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1. RLRQ, c. A-3.001, articles 170 à 170.4 (ci-après « LATMP »)
2. 2025 QCTAT 547, Caroline Charette
3. 2025 QCTAT 2122, Réjean Côté