Rupture du lien de confiance :
c’est oui ou c’est non
Comme vous le savez sans doute, lorsque le lien de confiance essentiel à la relation employeur-employé est irrémédiablement rompu en raison d’une faute grave, le congédiement peut être justifié, et ce, même en l’absence d’une progression dans les sanctions.
Toutefois, vous devez intervenir rapidement. Par exemple, l’employeur qui soupçonne qu’un employé le fraude ne devrait pas maintenir cet employé en poste en attendant les résultats d’une enquête, puis mettre fin à son emploi en invoquant la rupture du lien de confiance.
À cet égard, nous vous référons à une décision du Tribunal administratif du travail qui a annulé le congédiement d’une salariée qui avait déposé une plainte en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail1. Cette dernière avait été embauchée comme esthéticienne dans une auberge et elle faisait également l’entretien ménager de la résidence du propriétaire. Soupçonnant la salariée d’avoir volé de l’argent à l’auberge, le propriétaire a fait, à deux reprises, le test du « pot de monnaie » chez lui pour finalement conclure que la salariée l’avait volé. Malgré le fait qu’il ne pouvait plus lui faire confiance, il a décidé d’attendre de trouver une nouvelle esthéticienne avant de procéder au congédiement. La salariée a donc continué à travailler à l’auberge et à la résidence du propriétaire pendant environ un mois et demi. Puis, l’employeur a mis fin à son emploi, sans que le principe de la progression des sanctions ne soit respecté, compte tenu de la gravité de la faute qui, selon l’employeur, avait entraîné la rupture du lien de confiance. Nous vous référons aux extraits suivants de cette décision qui nous semblent intéressants :
« [126] Par définition, une rupture du lien de confiance est pourtant une coupure brusque qui ne connaît pas de modulation temporelle. Il y a rupture ou non et à compter du moment où elle survient, une action immédiate est requise. »
« [129] Dans un milieu de travail, le lien de confiance avec un salarié est en quelque sorte un fil invisible qui le relie à l’employeur et qui est nécessaire à la fiabilité de leur relation au quotidien. Lorsque ce fil est rompu, aucune relation d’emploi ne peut valablement être maintenue. »
En l’espèce, la juge a conclu que la rupture du lien de confiance qui découlait d’un vol ne constituait pas une cause juste et suffisante de congédiement, puisque l’employeur avait jugé ce lien de confiance suffisant durant plus d’un mois et demi avant de procéder au congédiement. Il aurait alors dû respecter la gradation des sanctions.
Le vol, la fraude, la falsification de documents, les fausses déclarations à l’embauche ou en cours d’emploi sont des fautes qui entraînent généralement la rupture du lien de confiance. Lorsqu’une telle situation se présente, il est généralement recommandé de suspendre l’employé pour fins d’enquête et de procéder dans les meilleurs délais à son congédiement lorsque les résultats de l’enquête sont concluants.
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1. Venti-DeMoulin et Lamothe, 2017 QCTAT 3710, juge administrative Marie-Claude Grignon