ADOPTER UNE POLITIQUE POUR LIMITER L'UTILISATION DU
TÉLÉPHONE CELLULAIRE AU TRAVAIL
Rares sont les employés qui ne possèdent pas un téléphone cellulaire. L’utilisation d’un appareil mobile personnel pendant les heures de travail peut non seulement entraîner des pertes de temps considérables, mais également porter atteinte à la santé et à la sécurité des employés, particulièrement lorsqu’ils doivent conduire un véhicule dans l’exercice de leurs fonctions.
Une décision récente permet de mieux saisir jusqu’où les employeurs peuvent aller dans une politique sur la possession et l’utilisation d'un cellulaire sur les lieux du travail ou durant les heures de travail.
Dans cette affaire, la Ville de Victoriaville1 avait modifié sa politique en place en la rendant plus contraignante pour les employés conduisant des véhicules. Le syndicat a contesté cette nouvelle politique, la jugeant abusive et déraisonnable. La politique interdisait déjà aux employés d’utiliser leur téléphone personnel durant les heures de travail.
La nouvelle politique a resserré les règles pour les employés ayant à conduire un véhicule. Comme la tentation est grande d’utiliser son téléphone personnel, la Ville interdit désormais aux cols bleus, dont la fonction est de conduire des véhicules et des équipements lourds, d’avoir en leur possession un cellulaire personnel lorsqu’ils sont au travail. Pour des raisons de sécurité, le téléphone cellulaire doit demeurer dans l’automobile ou dans le casier de l’employé. L’arbitre mentionnait ce qui suit :
« [62] La nouvelle politique règle ce problème [la tentation d’utiliser son cellulaire lorsqu’il est avec soi] en interdisant tout simplement la possession d’un téléphone cellulaire personnel sur les lieux et durant les heures de travail pour la catégorie de cols bleus dont la fonction est énumérée à l’annexe A de la politique, c’est-à-dire ceux qui conduisent des véhicules lourds. »
À l’audience, plusieurs témoins ont déclaré que la possession d’un cellulaire personnel au travail permet de rejoindre médecin et famille, pour régler certains problèmes de santé ou de gardiennage par exemple. Selon l’arbitre, chaque employé est susceptible de devoir régler de tels problèmes au travail. Il n’est toutefois pas nécessaire que cela se fasse à l’aide d’un téléphone personnel. Or, l’employeur a démontré qu’il est possible de laisser un message à une personne responsable qui sera en mesure de rejoindre l’employé concerné efficacement et rapidement.
Quant aux autres catégories d’emploi utilisant un véhicule qui n’est pas un véhicule lourd, la politique prévoit ceci :
« Il est strictement interdit d’utiliser son téléphone personnel pour les salariés cols bleus et cols blancs et cadres qui ont à conduire un véhicule automobile sur les heures du travail. De plus, pour raison de sécurité, le téléphone cellulaire devra demeurer dans l’automobile ou dans le casier (ou bureau) du salarié. Toutefois, si les salariés pour des raisons opérationnelles ne doivent pas revenir à la Ville avant de quitter pour la fin de leur quart de travail, ils seront autorisés à apporter leur téléphone cellulaire dans leur véhicule. Cependant, ils devront le laisser à un endroit dans leur véhicule où ils pourront l’utiliser sauf pour une conversation téléphonique, et ce, s’ils ont les dispositifs pour parler sans avoir le téléphone en mains. Il est interdit de répondre à des appels téléphoniques personnels, ainsi que des messages textes, durant les heures de travail. Ils y sont cependant autorisés pendant les périodes de repos. »
Quant à l’argument du syndicat à l’effet que la politique réduirait l’efficacité des opérations, puisque des employés utilisaient leur cellulaire comme outil de travail (GPS, photos ou pour communiquer), l’arbitre a mentionné que la gestion des opérations relève du droit discrétionnaire de direction de l’employeur et que la réduction possible de l’efficacité (si elle existe) est le prix à payer pour assurer la santé et la sécurité du personnel.
L’arbitre a donc rejeté le grief. Il a considéré que la politique était raisonnable et a conclu que l’employeur avait légitimement modifié sa politique en se basant sur des motifs de santé et sécurité des employés et d’efficacité des opérations.
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1 Ville de Victoriaville et Syndicat des fonctionnaires municipaux de la Ville de Victoriaville (CSD) (grief syndical), 2020 QCTA 93, Me François Hamelin