Quand Instagram, Facebook, YouTube et compagnie
s'imposent dans vos dossiers SST!
Qu'on le veuille ou non, les réseaux sociaux font partie de notre quotidien. Loin de nous l’idée de suggérer d’épier vos salariés sur les réseaux sociaux ni de lancer des invitations massives à leurs différents comptes. Cependant, un gestionnaire avisé doit connaître le fonctionnement de ces réseaux, en encadrer l’utilisation et savoir comment réagir lorsqu'il a connaissance de certains faits via ces plateformes. En effet, il est assez fréquent de recevoir des publications de collègues de travail sans même l’avoir demandé. Pourquoi? Qui ne serait pas outré de constater que son collègue se vante de ses travaux de mécanique sur Facebook alors qu’il est absent du travail et indemnisé par la CNESST1?
Plusieurs questions se posent sur le droit d’utiliser ces informations. Comment ont-elles été obtenues? Est-ce qu’elles relèvent du domaine privé ou public? Or, le caractère privé ou public dépendra grandement des paramètres du compte2. Bien souvent, elles seront considérées publiques. Les salariés ne connaissent pas bien les paramètres de sécurité et de vie privée ou ne limitent pas l’accès. Si le salarié accepte de partager ses informations avec 1000 amis Facebook et avec autant de monde sur Instagram, il lui sera plus difficile de prétendre au droit au respect de sa vie privée. Dans un tel contexte, à moins que les publications aient été obtenues par un subterfuge, comme par exemple la création d’un faux profil correspondant aux intérêts du salarié afin de l’amener à accepter une invitation3, l’employeur pourrait les utiliser comme preuve devant le Tribunal administratif du travail.
Au-delà du droit de les utiliser, que révèlent ces publications en fonction de la lésion professionnelle pour laquelle le salarié est indemnisé? Un cas classique : un collègue pourrait vous faire remarquer, extrait Instagram à l’appui, qu’il lui semble inapproprié qu’un salarié absent pour une dépression soit en camping avec ses jeunes enfants et qu’il puisse, au surplus, sourire... Or, il faut se demander si les activités sont véritablement incompatibles avec l’état de santé allégué. Ce père de famille peut avoir décidé de passer du temps avec ses enfants en plein air pour se sortir de son marasme. Son médecin ou son psychologue le lui ont peut-être même recommandé. Avoir accès à ce qui circule sur les réseaux sociaux est une chose, juger de ce que ça représente de manière objective en est une autre. Est-ce que les extraits peuvent démontrer qu’il n’y a pas de lésion professionnelle? Est-ce qu’ils permettent de prouver que la lésion professionnelle est consolidée et que le travailleur est capable de reprendre son emploi? Peut-être. Cependant, il faut savoir faire la part des choses et bien utiliser la preuve tirée de réseaux sociaux dans la gestion des lésions professionnelles.
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1. Supermétal Construction inc. et Therrien-Savard, 2017 QCTAT 1140 (SST)
2. CSSS Jardins-Roussillon et Tremblay, 2017 QCTAT 4826 (CLP)
3. Campeau et Services Alimentaires Delta Dailyfood Canada inc. (CLP)