LE DROIT DE PAROLE DE L'EMPLOYEUR LORS DES NÉGOCIATIONS
En appliquant l’article 12 du Code du travail qui interdit à l’employeur de s’ingérer dans les affaires du syndicat, les tribunaux administratifs ont longtemps donné une forte présomption d’ingérence à toute déclaration que pouvait faire un employeur à l’occasion d’une campagne de syndicalisation ou de maraudage ou lors de la négociation d’une convention collective.
Toutefois, il y a un peu plus de 25 ans, le Tribunal du travail amorçait un virage en affirmant que l’interprétation rigide de la notion d’ingérence devait être rejetée au profit d’une interprétation plus souple1. Le tribunal reconnaissait que les protections accordées par la Charte des droits et libertés de la personne pouvaient aussi être invoquées par l’employeur.
La Commission des relations du travail puis le Tribunal administratif du travail ont maintenu cette tendance. Ainsi, le discours objectif que peut tenir un employeur auprès de ses salariés ne doit plus être vu comme une tentative d’entrave à l’encontre du syndicat du seul fait qu’il y a eu discours. Cependant, les propos que peut tenir un employeur face à une position syndicale doivent respecter certaines limites. Ces limites sont les suivantes :
- L’employeur ne doit faire, directement ou indirectement, aucune menace.
- Il doit tenir des propos défendables, quant à leur réalité, qui ne visent pas à tromper.
- Il doit favoriser la réflexion des personnes, et non soulever leurs émotions, évitant tout style outrancier ou pathétique.
- Ses interlocuteurs doivent être libres d’écouter ou non son message.
- Il ne doit d’aucune façon utiliser son autorité d’employeur pour propager ses opinions contre le syndicalisme.
Malgré cette reconnaissance à son droit de s’exprimer, il demeure clair que l’employeur n’a pas le droit de procéder à une négociation par-dessus la tête du syndicat. Le droit de représenter collectivement les salariés appartient exclusivement au syndicat, et il faut que le négociateur retienne bien le principe que c’est avec les personnes à la table de négociation assises en face de lui qu’il devra conclure une entente.
Des communications directes avec les salariés par courriel ou autrement, dans le cadre d’une négociation difficile, sont reçues avec beaucoup de scepticisme de la part des syndiqués. Lorsque vous désirez communiquer avec vos salariés, vous devez être sûr de l’opportunité et de l’efficacité d’une telle communication, et vous n’aurez que peu ou pas de chance de récidiver.
Une telle communication doit plutôt se faire dans le cadre d’une légitime défense lorsque le syndicat agit de mauvaise foi. Ainsi, lorsque le syndicat véhicule des faussetés quant aux démarches de la négociation et de son contenu et que ces faussetés sont suffisamment grossières pour être facilement révocables, il peut être utile de corriger l’information transmise aux salariés. Cette communication doit aussi se faire, sachant ce qu’est votre objectif en négociation : signer un jour une entente avec le syndicat, le but n’étant pas de rétablir la vérité pour le seul plaisir de faire mal paraître le syndicat.
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1. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, Section locale 194 c. Disque Améric inc., DTE 96T-835 (T.T.)