LE TÉLÉTRAVAIL SERAIT LÀ POUR RESTER :
COMMENT S'Y ADAPTER CONCRÈTEMENT ?
Si le télétravail était de plus en plus en vogue avant la pandémie, la mise sur pause du Québec en mars dernier a précipité son adoption à plus large échelle, souvent sans préparation optimale. Plusieurs employés ont d’ailleurs manifesté leur intérêt à poursuivre le télétravail sous différentes formules, malgré une réouverture de leur lieu de travail, et ce, notamment pour des considérations de conciliation travail-vie personnelle. Bref, le télétravail semble être là pour rester.
Le télétravail peut donc représenter, pour certains employés et employeurs, une avenue à considérer, et ce, même après la pandémie. Il est cependant important de préciser que le télétravail découle d’un arrangement avec l’employeur et ne constitue pas un droit pour l’employé. Des questions essentielles quant à la nature du travail, la synergie nécessaire d’une équipe, la disponibilité et la sécurité des outils informatiques, la performance de l’employé en télétravail comparée à celle qu’il offre dans l’établissement de l’employeur se posent avant de considérer cette approche. Le télétravail n’est pas possible ni approprié pour tout le monde. Que ce soit en raison de la pandémie ou pour des considérations corporatives après la pandémie, permettre le télétravail ne devrait pas se faire sans encadrement. Même si cette réalité n’est pas spécifiquement prévue dans notre corpus législatif au Québec, plusieurs lois s’appliquent autant à l’employé en établissement qu’au télétravailleur. Il faut ainsi déterminer comment, concrètement, appliquer les dispositions pertinentes du Code civil du Québec, de la Charte des droits et libertés de la personne, de la Loi sur les normes du travail ou des lois concernant la protection des renseignements personnels, pour ne nommer que celles-là. L’adoption d’une politique, qui définit d’abord le cadre applicable, puis d’une entente individuelle de télétravail vous permettront de définir et d’encadrer les droits et les obligations de chacune des parties. Sous réserve des dispositions des conventions collectives pertinentes, la politique devrait minimalement prévoir les conditions d’utilisation de l’équipement de l’employeur (téléphone, ordinateur, etc.) ainsi que les règles à respecter relativement à l’horaire de travail, la disponibilité pour l’employeur et pour les collègues, et la confidentialité des données.
Par ailleurs, employeurs et travailleurs doivent impérativement respecter leurs obligations en matière de santé et sécurité du travail. L’adage « Loin des yeux, loin du cœur » ne devrait pas s’appliquer au télétravail : l’employeur demeure tenu de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé, la sécurité et l’intégrité physique de ses travailleurs. Ces derniers ne sont pas non plus libérés de leurs obligations visant leur propre santé et sécurité au travail ni celles qui touchent la déclaration d’une lésion professionnelle. De plus, la gestion des réclamations pour lésion professionnelle doit être adaptée au télétravail. Comment s’assurer que le poste de travail à la maison est adéquat et sécuritaire? Comment faire une enquête lorsqu’une lésion professionnelle est alléguée? Voilà des questions qui méritent réponses, à tout le moins une réflexion, avant qu’un problème ne se présente. L’adoption d’une politique qui encadre le télétravail doit également tenir compte de ces aspects essentiels. Est-ce que le télétravail pourrait faciliter la gestion des dossiers de lésions professionnelles ? Une certaine jurisprudence traite en effet de nouvelles possibilités d’assignation temporaire, de maintien au travail normal ou d’identification d’un emploi convenable, rendues possibles par le télétravail. Il faut être de son temps et trouver comment tourner chaque situation à son avantage.
Enfin, l’employeur conserve son droit de gérer, de diriger et d’administrer ses affaires, même lorsqu’elles impliquent des télétravailleurs. La supervision et le contrôle de la qualité du travail et du rendement, ainsi que l’exercice du pouvoir disciplinaire demeurent des impératifs majeurs dans la gestion du personnel. Des balises permettant à l’employeur d’exercer son droit de gérance à distance doivent être mises en place. Un gestionnaire qui supervise le télétravail pourrait s’en sortir plus facilement en délaissant un mode de gestion par contrôle pour adopter un mode de gestion par résultats, avec des objectifs et des attentes claires, de la rétroaction et de bons indicateurs de rendement. Il peut s’agir de feuilles de temps, d’un journal de traitements de dossiers, d’appels de clients, etc. Peu importe la manière, l’employeur peut et doit exercer son droit de gérance. Si le télétravail a plus de chances de succès dans une relation de confiance entre l’employé et l’employeur, la confiance se mérite et elle n’est pas immuable. Or, l’employeur conserve son pouvoir disciplinaire qui peut comporter des éléments désagréables pour un employé, mais qui demeurent normaux, même dans un contexte de télétravail, lorsqu’il est exercé dans le respect des lois applicables.
Faut-il le rappeler, le mot télétravail comprend celui-ci : « travail ». La relation employeur-employé subsiste, même si la façon dont on l’entretient diffère. Apprenez à bien encadrer le télétravail sans délaisser vos droits et, pourquoi pas, à savoir comment tirer profit de cette nouvelle réalité.
Les avocats Le Corre & Associés, s.e.n.c.r.l.