Gros plan sur les choix et les comportements d'un travailleur
Le régime d’indemnisation des lésions professionnelles en est un « sans égard à la responsabilité ». Pourtant, les choix personnels d’un travailleur ou son comportement négligent peuvent être déterminants sur la reconnaissance ou pas d’une lésion professionnelle et l’imputation qui en résulte. Êtes-vous bien au fait des conséquences tant en matière d’admissibilité que d’imputation, que peuvent entraîner certains choix des travailleurs dans le cours ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ?
Par exemple, la lésion professionnelle d’une réceptionniste blessée pendant sa pause lors d’une chute dans le stationnement de l’employeur a été acceptée, et ce, même si elle a choisi d’aller prendre sa collation dans sa voiture plutôt que dans la salle de repos chez l’employeur. La tolérance de cette pratique par l’employeur semble avoir pesé dans la balance.
Par contre, un chauffeur d’autobus blessé entre deux assignations de travail dans un garage de l’employeur a vu sa lésion professionnelle refusée. Il a fait le choix personnel d’aller récupérer lui-même des effets personnels oubliés dans le garage alors qu’il aurait pu demander à un superviseur de le faire, conformément à une politique établie et connue. Au surplus, le travailleur a emprunté une entrée dont l’employeur interdit l’accès.
Par ailleurs, une blessure ou une maladie qui survient uniquement à cause de la négligence grossière et volontaire du travailleur qui en est victime n’est pas une lésion professionnelle, à moins que le travailleur en décède ou qu’il en conserve une atteinte permanente grave.
Dans ces derniers cas, même s’il y a indemnisation, les coûts ne doivent pas être imputés à l’employeur. Encore faut-il que l’employeur se soit assuré, dès l’étape de l’admissibilité, que la CNESST établisse que l’accident est uniquement attribuable à la négligence grossière et volontaire du travailleur. Par ailleurs, malgré ce nouvel ajout à la LATMP découlant de la modernisation du régime, dans une décision récente, le TAT appliquant le cadre légal antérieur, a accordé un transfert de coûts en vertu de l’article 326 LATMP même si la négligence grossière et volontaire n’a pas été invoquée au stade de l’admissibilité. Dans cette décision, même si la CNESST a reconnu la lésion professionnelle d’un ouvrier gravement blessé en débloquant un convoyeur en marche avec une barre à clous, en contravention d’une directive de l’employeur, un transfert de coûts a été accordé devant cette mauvaise décision prise par le travailleur. Il faudra suivre l’évolution jurisprudentielle à ce sujet, afin d'adapter les pratiques de gestion.
En définitive, les choix et les comportements des travailleurs peuvent influencer les stratégies de gestions à déployer tant au niveau de l’admissibilité que de l’imputation. Par ailleurs, les comportements imprudents, voire négligents, ne doivent en aucun cas être tolérés. L’employeur doit faire preuve de diligence raisonnable et rencontrer ses obligations au chapitre de la prévention, auxquelles s’ajoutent de nouvelles modalités avec la modernisation du régime. Pour en savoir plus, plusieurs formations en SST sont offertes ce printemps.
Les avocats Le Corre & Associés inc.
[1] Article 25 de la LATMP
[2] Compagnie Wal-Mart du Canada (commerce) et Martel, 2024 QCTAT 56
[3] Société de transport de Longueuil et Lefebvre, 2023 QCTAT 902
[4] Article 27 de la LATMP
[5] Article 327 par. 1 de la LATMP
[6] Tronco Site Vallières inc., 2023 QCTAT 3978