LORSQUE C'EST LE PATRON QUI HARCÈLE...
En matière de harcèlement psychologique, la Loi sur les normes du travail impose deux obligations à l’employeur, soit prévenir le harcèlement et prendre les moyens raisonnables pour faire cesser une telle conduite lorsqu’elle est portée à sa connaissance1. Afin de permettre à l’employeur de satisfaire à ses obligations, encore faut-il que le salarié se croyant victime de harcèlement l’ait informé de la situation. Dans le cas contraire, les tribunaux peuvent rejeter la plainte, et ce, même s’ils arrivent à la conclusion que le salarié a effectivement été victime de harcèlement2.
Toutefois, il en va autrement lorsque l’auteur du harcèlement est un dirigeant ou une personne en autorité chez l’employeur. Dans ce contexte, les tribunaux sont généralement d’avis que le salarié qui se croit victime de harcèlement n’a pas l’obligation de dénoncer la situation à son employeur. À cet égard, nous vous référons à deux décisions rendues récemment dans lesquelles le tribunal a accueilli les plaintes. Dans la première affaire, Bai et Collège Jade inc.3, le tribunal a conclu qu’une agente de vente dans une école de langues avait été harcelée par la directrice de l’établissement. Le tribunal écrivait ce qui suit concernant l’obligation de dénoncer la situation à l’employeur :
[30] Or, lorsque l’auteure de la conduite vexatoire est une dirigeante et une personne en autorité chez l’employeur, le Tribunal considère que cette conduite a été portée à la connaissance de ce dernier. [Notre soulignement]
Dans la seconde affaire, Richards et 10364754 Canada inc.4, le tribunal a conclu qu’une barista avait été harcelée par le propriétaire du café où elle travaillait. Concernant l’obligation de dénoncer la situation à l’employeur, le tribunal écrivait :
[15] On impose habituellement à la victime de harcèlement l’obligation de dénoncer les comportements dont elle se plaint à son employeur, dans le but de permettre à ce dernier de prendre les mesures raisonnables pour faire cesser la conduite harcelante. Toutefois, cette obligation de dénonciation est mise de côté lorsque le harcèlement est commis par le plus haut dirigeant de l’entreprise. [Notre soulignement]
Il est bon de souligner que dans ces deux affaires, les employeurs ont décidé de ne pas se présenter à l’audience convoquée devant le Tribunal administratif du travail. Ils se sont donc privés de la possibilité de présenter une preuve et des arguments à l’encontre des plaintes de harcèlement qui avaient été déposées contre eux.
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1. Article 81.19 de la Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1
2. À titre d’exemple, voir : El Kaabi et Pâtisserie Gaudet inc., 2020EXPT-717, 2020 QCTAT 746, j.a. François Beaubien
3. 2022EXPT-1244, 2022 QCTAT 1624, j.a. Benoît Aubertin
4. 2022EXPT-158, 2021 QCTAT 5038, j.a. Henrik Ellefsen