Indemnité de présence et pannes d’électricité
L’hiver est presque à nos portes, et bon an, mal an, cette saison apporte son lot de pannes d’électricité. Confrontés à une panne d’électricité, certains employeurs peuvent se demander s’ils doivent payer une indemnité de présence aux salariés qui se présentent au travail, mais qui doivent retourner à la maison en raison de la panne. En effet, l’article 58 de la Loi sur les normes du travail1 prévoit qu’un « salarié qui se présente au lieu du travail à la demande expresse de son employeur ou dans le cours normal de son emploi et qui travaille moins de trois heures consécutives, a droit, hormis le cas de force majeure, à une indemnité égale à trois heures de son salaire horaire habituel sauf si l’application de l’article 55 lui assure un montant supérieur. » [Notre soulignement]
Selon l’article 1470 du Code civil du Québec, une force majeure est « un événement imprévisible et irrésistible ». Somme toute, il s’agit d’un événement extérieur à une personne, que celle-ci ne pouvait prévoir, auquel elle ne pouvait résister et qui a rendu absolument impossible l’exécution d’une obligation. À titre d’exemple, pour ceux et celles qui se souviennent de la crise du verglas de 1998, il a été décidé par un arbitre que le fameux « vendredi noir », l’employeur avait fait face à un cas de force majeure lorsque était survenue une panne d’électricité chez l’employeur2. Toutefois, l’arbitre a conclu que le lendemain matin, le même employeur ne s’était pas retrouvé devant un cas de force majeure, puisque toute personne diligente pouvait prévoir l’impossibilité de faire fonctionner les machines le samedi matin.
Par ailleurs, certaines conventions collectives prévoient le versement d’une indemnité de rappel, à moins que surviennent un « cas fortuit » ou des circonstances « hors du contrôle de l’employeur » ou « indépendantes de la volonté de l’employeur ». Ces expressions visent certainement plus de situations d’exceptions que le terme « force majeure ». Un employeur ne doit donc pas hésiter à soulever cette distinction, principalement lorsque sa convention collective accorde une indemnité de présence supérieure à celle prévue à la Loi sur les normes du travail.
Quelles que soient les dispositions prévues dans une convention collective, l’arbitre examinera si l’employeur a agi avec diligence en faisant, par exemple, des démarches auprès d’Hydro-Québec pour s’informer de la nature et de la durée de la panne. À cet égard, nous vous référons à l’affaire Syndicat des salariés du bois ouvré de Lac-Mégantic et Corporation internationale Masonite3 dans laquelle l’arbitre a rejeté un grief réclamant une indemnité de présence. L’arbitre a tout d’abord souligné que l’employeur avait été diligent, en faisant notamment les appels nécessaires auprès d’Hydro-Québec. Puisque l’employeur ne pouvait raisonnablement aviser en temps utile les salariés de ne pas se présenter au travail en raison d’une panne d’électricité, l’arbitre a conclu que l’article de la convention collective prévoyant le paiement de l’équivalent de quatre heures de travail en cas de panne d’électricité ou de bris majeur ne s’appliquait pas.
Bref, lorsque survient une panne d’électricité ou un autre événement imprévu, il est important que vous agissiez avec diligence et que vous avertissiez vos salariés de ne pas se présenter au travail avant qu’ils n’arrivent sur les lieux, en autant que cela soit possible. Dans ces cas, c’est souvent l’existence ou non d’un délai permettant d’aviser à l’avance les salariés de ne pas se présenter au travail qui sera l’élément déterminant sur l’obligation ou non de verser une indemnité de présence.
Si vous désirez plus d'informations à ce sujet, nous vous invitons à communiquer avec un avocat de notre cabinet ou à assister à notre atelier Approche pratique des normes du travail le 28 novembre prochain.
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- RLRQ c. N-1.1
- Bauer inc. et Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 967, DTE 98T-821 (T.A.)
- DTE 2015T-221 (T.A.). Voir également : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 3057 et Matériaux Blanchet inc., DTE 2013T-605 (T.A.) ; Syndicat des salariées et salariés de Général Dynamics Produits de défense et systèmes tactiques – Canada, Usine St-Augustin et Général Dynamics Produits de défense et systèmes tactiques, DTE 2014T-581 (T.A.)