PARTAGE DE COÛTS AVANT LE 31 DÉCEMBRE 2023 : IL EST MINUIT MOINS UNE !
Le 31 décembre 2023 marque la fin du délai accordé aux employeurs pour demander un partage de coûts à la CNESST s’ils sont en mesure de prouver qu’un travailleur était déjà handicapé lorsqu’il a été victime d’une lésion professionnelle survenue en 20201. Un ou des partages de coûts peuvent rapporter beaucoup d’argent selon le régime de tarification auquel un employeur est assujetti2. Cependant, l’exercice n’est pas toujours simple.
Pour conclure qu’un travailleur était « déjà handicapé » au sens de l’article 329 de la LATMP et pour obtenir un partage de coûts, la jurisprudence exige, depuis longtemps3, la preuve prépondérante de ces conditions : (1) une déficience, physique ou psychologique qui dévie de la norme biomédicale4; (2) la préexistence de cette déficience; (3) l’effet de cette déficience préexistante sur la lésion professionnelle. Précisons qu’il n’est pas nécessaire que la déficience se soit manifestée avant la lésion professionnelle. Sa préexistence peut quand même être prouvée, par exemple, à l’aide d’examens radiologiques. Quant aux conséquences, elles peuvent être multiples. Un travailleur peut avoir été fragilisé et plus susceptible de se blesser en raison du handicap préexistant. Le handicap préexistant peut également être responsable d’une période de consolidation plus longue, de limitations fonctionnelles, etc. Toutes les conséquences sont mises dans la balance afin de permettre à la CNESST et, ultimement, au tribunal5 de décider si un handicap préexistant a joué un rôle, mais également pour établir le pourcentage de coûts à retirer du dossier financier de l’employeur6.
Cette preuve, dont le fardeau repose sur l’employeur, exige souvent l’opinion d’un médecin expert, appuyée par de la littérature médicale de qualité et pertinente, et ce, compte tenu des faits particuliers du dossier pour lequel le partage est demandé7. Si votre preuve est à parfaire, il faut tout de même respecter le délai du 31 décembre 2023 pour adresser votre demande de partage de coûts à la CNESST, en l'informant que vous transmettrez un complément d’informations avant qu’une décision soit prise à l’égard de votre demande. Évidemment, assurez-vous de transmettre ce complément. En effet, la LATMP exige que l’employeur expose les motifs pour lesquels il demande un partage de coûts.
L’avis de votre médecin expert ne peut reposer uniquement sur des hypothèses et sera scruté à la loupe. Le tribunal est exigeant à cet égard, d’où l’importance de bien évaluer et cibler vos dossiers rapidement pour les lésions survenues en 2020. Il est minuit moins une !
Les Avocats Le Corre & Associés, s.e.n.c.r.l.
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1 Article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, R.L.R.Q., chapitre A-3.001,
ci-après « LATMP »
2 Pour les entreprises assujetties au régime de tarification CNESST de l’ajustement rétrospectif ou du taux personnalisé
3 Petite-Rivière-St-François Municipalité et CSST, 1999 CanLII 31751 (QC CLP), Marie-André Jobidon
4 Sodexho Canada Inc., 2001 CanLII 42921 (QC CLP), Carmen Racine, Parkway Pontiac Buick inc., 2011 QCCLP 2213,
requête en révision rejetée (2011 QCCLP 6431) et Entreprises de Travaux Common Ltée (les), 2000 CanLii 30800
QCCLP), Marie Lamarre
5 Le tribunal réfère au Tribunal administratif du travail, division de la santé et de la sécurité du travail
6 Groupe Prodem, 2011 QCCLP 743, Lina Crochetière
7 Voir notamment : Maniwaki (Ville de), 2014 QCCLP 4214, Michèle Gagnon-Grégoire et, plus récemment, CUSM-Hôpital
Lachine, 2022 QCTAT 5491, Manon Gauthier