Quand la barbe vous irrite
Movember est un organisme de bienfaisance mondial qui finance des programmes de santé masculine. Il encourage les hommes à porter la moustache pendant les trente jours du mois de novembre. Face à ce mouvement qui prend de l’ampleur, vous vous demandez si vous pouvez exiger qu’un salarié ne porte pas la moustache, et ce, même pendant un mois. Il est reconnu par les tribunaux qu’un employeur a le droit de fixer des exigences concernant la tenue vestimentaire et l’apparence générale de ses employés. Vous pouvez donc adopter des directives, à la condition de respecter certains paramètres. Afin que vos exigences ne contreviennent pas à la Charte, vous devez toutefois démontrer qu’elles sont justifiées par une raison d’affaire légitime fondée sur la protection de votre réputation et de votre image ou sur la protection de la santé et de la sécurité des employés ou du public. Les exigences concernant l’apparence générale fondées sur la protection de la santé et de la sécurité des employés ou du public sont limitées et doivent être en relation étroite avec le travail à exécuter. Afin de justifier ses exigences, l’employeur doit démontrer, par exemple, que l’interdiction de porter la moustache est justifiée par des objectifs d’hygiène et de santé publique et que cette mesure est proportionnelle au but recherché, soit protéger la santé du public. L’hygiène personnelle adéquate ainsi que le port d’un filet à barbe ou à moustache peuvent également faire partie des exigences d’un employeur, particulièrement dans le milieu de l’alimentation. Précisons que nous n’avons retracé aucune décision dans la jurisprudence arbitrale québécoise concernant l’interdiction de porter la moustache. C’est pourquoi, nous vous référons à deux décisions concernant le port de la barbe. Protéger l’image de l’employeur Dans l’affaire Teamsters Québec, local 931 et UPS1, les salariés contestaient un règlement sur l’apparence personnelle interdisant notamment de porter la barbe et les cheveux longs, ainsi qu’un article de la convention collective en vertu duquel ils étaient tenus de respecter le règlement. Selon eux, le règlement portait atteinte à leur vie privée et à leur liberté d’expression, alors que l’employeur alléguait que ce règlement est essentiel pour l’image de l’entreprise. L’arbitre a tout d’abord remarqué que le règlement était inclus dans la convention collective qui en exigeait le respect par les salariés, contrairement à un règlement sur l’apparence qui serait adopté unilatéralement par l’employeur. De plus, les salariés devaient signer un engagement portant sur le respect du règlement concernant l’apparence personnelle. Or, il y a plusieurs façons de restreindre le droit à la vie privée d’un individu et le consentement permet de le faire. Enfin, selon l’arbitre, le port des cheveux longs et de la barbe ne relevait pas de la liberté d’expression. Les salariés ayant consenti à limiter leur droit à la vie privée, les griefs ont rejetés. Sans vouloir ouvrir le débat sur le droit du syndicat ou d’un salarié de renoncer à des droits fondamentaux, il est bon de préciser qu’il y a 20 ans, dans un litige impliquant les mêmes parties, soit UPS et les Teamsters, un arbitre a conclu que la clause de la convention collective réglementant l’apparence personnelle des chauffeurs était illégale et invalide, puisque les parties ne pouvaient restreindre le droit constitutionnel à la vie privée protégé par la Charte, lequel appartient individuellement à chaque salarié. Cette décision a été cassée par la Cour supérieure au motif que l’arbitre s’était prononcé sur une question qui ne lui était pas posée. Néanmoins, cela démontre le caractère incertain de la jurisprudence lorsqu’il est question de réglementer l’apparence au travail. En cette matière, la démonstration que l’image de l’employeur peut être compromise par le port d’une barbe, par exemple, doit être objective et non fondée uniquement sur une simple appréhension. Protéger la santé et la sécurité du public Dans l’affaire TUAC, section locale 1991P et Levinoff-Colbex2, un journalier au secteur des produits non comestibles dans une usine d’abattage d’animaux contestait son congédiement pour avoir omis de porter un filet à barbe à plusieurs reprises. Le dossier disciplinaire du salarié comprenait des suspensions de 3, 5 et 10 jours pour des fautes de même nature. Comme le salarié s’était amélioré depuis sa dernière suspension et qu’il était un bon employé, l’arbitre a donc substitué une suspension de six mois au congédiement, compte tenu de la collaboration essentielle attendue des employés, du champ d’activité particulier de l’entreprise et de sa certification HACCP. Si vous désirez obtenir plus d'information à ce sujet, nous vous invitons à participer à l'atelier "Gestion moderne de la discipline et du congédiement" ou à communiquer avec l'un ou l'autre des avocats de notre cabinet. _______________________ 1. D.T.E. 2013T-451, Me André Rousseau, arbitre 2. D.T.E. 2012T-32, Me Lyse Tousignant, arbitre
L’équipe Le Corre & Associés, s.e.n.c.r.l.
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