CONGÉDIEMENT POUR INCOMPÉTENCE : LES CRITÈRES À RESPECTER TOUJOURS SOUS LA LOUPE DES TRIBUNAUX
L’employeur qui décide de congédier un employé pour incompétence doit être en mesure de démontrer qu’il a respecté certains critères afin de justifier un congédiement administratif, surtout lorsque cet employé possède plusieurs années de service. Ces critères établis par la Cour d’appel dans l’arrêt Costco1 sont les suivants :
- l’employé doit connaître les politiques de l’employeur et ses attentes;
- il doit avoir été avisé qu’il ne répond pas ou ne répond plus aux exigences, et l’employeur doit lui avoir signalé ses erreurs;
- il doit avoir obtenu le soutien nécessaire pour se corriger et atteindre les objectifs fixés, et avoir bénéficié d’un délai raisonnable pour ce faire;
- enfin, l’employé doit avoir été prévenu qu’il risquait d’être congédié à défaut d’amélioration de sa part.
Il n’est pas nécessaire que chaque critère soit littéralement respecté, pourvu que l’ensemble de ceux-ci le soit globalement. Ces critères ont été établis il y a maintenant 20 ans, mais ils sont toujours appliqués par les tribunaux. À titre d’exemples, nous vous référons à deux décisions récentes rendues par le Tribunal administratif du travail, division relations du travail.
Dans Clemente c. Le Méridien automobile inc.2, le tribunal a annulé le congédiement, notamment parce que certains de ces critères n’avaient pas été respectés par l’employeur :
[146] En l’occurrence, l’employeur n’a pas continué à signaler au plaignant ses lacunes et ce dernier n’a obtenu aucun support concret pour se corriger. Il est aussi difficile de déterminer en quoi le plaignant aurait pu bénéficier d’un délai raisonnable pour s’ajuster.
[147] Mais surtout, en aucun temps, le plaignant n’a été prévenu d’un risque de congédiement à défaut d’amélioration.
Dans Larivière c. G. Boutiques inc.3, le tribunal a maintenu le congédiement puisque la preuve factuelle, tant documentaire que testimoniale, démontrait que l’employeur avait respecté ces critères :
[43] Premièrement, la jurisprudence n’exige pas qu’un employeur impose un plan d’amélioration écrit à son employé qui présente une problématique de rendement. Ce qui importe, c’est que l’employeur lui communique ses attentes, verbalement ou par écrit, en respectant les exigences de l’arrêt Costco énoncées précédemment. La remise d’un plan d’amélioration de performance n’en fait tout simplement pas partie. Il en est de même de l’absence de suivi structuré.
[44] En ce qui concerne l’absence de délai précis pour s’ajuster, ce n’est pas tout à fait ce qu’exige la jurisprudence. Il faut que la personne salariée ait un délai suffisant pour s’ajuster. La suffisance s’appréciant au cas par cas, selon les circonstances de l’affaire. Dans le cas présent, c’est ce qu’a fait la décision du TAT-1 en concluant de la preuve que la requérante avait disposé d’un délai d’un an pour s’ajuster, ce qu’elle a jugé amplement suffisant.
[54] D’autre part, la décision du TAT-1 conclut que la requérante a été prévenue du risque de congédiement à défaut d’amélioration en faisant référence aux trois avis qu’elle a reçus entre août 2019 et mars 2020, lesquels mentionnent tous que le défaut d’amélioration peut aller «jusqu’au licenciement». Elle mentionne au paragraphe 91 que la requérante, titulaire d’un baccalauréat en relations industrielles et d’un diplôme d’études supérieures en gestion, ne pouvait pas ne pas avoir compris que son emploi était en jeu.
Ainsi, lorsqu’un employeur fait des suivis réguliers et que l’employé est raisonnablement en mesure de comprendre que son emploi est en péril, le tribunal n’hésitera pas à maintenir le congédiement. Il est donc important de documenter chacune des étapes lorsque vous enclenchez un processus administratif dans un objectif d’amélioration du rendement.
Pour plus d'informations à ce sujet, nous vous invitons à communiquer avec un avocat.e de notre cabinet.
Les avocats Le Corre & Associés inc., s.e.n.c.r.l.
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1. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante, DTE 2005T-831, 2005 QCCA 788
2. 2025 QCTAT 1879. Voir au même effet : Hénonin c. Centre de recherche informatique de Montréal inc., 2025 QCTAT 1079; Asseraf c. Agence Frenzr inc., 2025 QCTAT 1692
3. Larivière c. G. Boutiques inc., 2025 QCTAT 2. Référence antérieure : 2023 QCTAT 5219