NON-RESPECT DES RÈGLES DE SST:
LA SÉVÉRITÉ S'IMPOSE
En 2018, pour la première fois au Québec, un entrepreneur a été reconnu coupable d’avoir causé la mort de son employé sur un chantier de construction1. Ce dernier procédait au remplacement d’une conduite d’eau, lorsqu’il a été enseveli au fond d’une tranchée. La preuve a révélé que certaines exigences légales et réglementaires n’avaient pas été respectées pour assurer un travail sécuritaire. Cet entrepreneur a récemment été condamné à une peine de prison ferme de 18 mois2.
Cette condamnation envoie sans contredit un message clair aux employeurs qui seraient tentés de négliger la santé et la sécurité au travail (ci-après « SST »). Comme vous le savez, les obligations légales de l’employeur en matière de SST sont larges et nombreuses. Elles sont prévues dans différentes lois et règlements. À titre d’exemples, mentionnons l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail ainsi que les dispositions du Code de sécurité pour les travaux de construction.
Un employeur qui contrevient à l’une de ses obligations en matière de SST peut être poursuivi devant une instance pénale en vertu des articles 236 et 237 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Il peut également se voir imposer des chefs d’accusation criminelle, notamment pour négligence criminelle en vertu des articles 217.1 et 219 du Code criminel, et même pour homicide en vertu de l’article 222 du Code criminel.
En matière de SST, la tolérance est le pire ennemi de l’employeur. La gestion disciplinaire des manquements reliés à la SST est essentielle non seulement pour obtenir la correction du comportement fautif et permettre à l’employeur de remplir ses obligations en matière de SST, mais également pour envoyer un message clair à tous les employés, placer l’employeur en bonne position pour se défendre devant les tribunaux et éviter les conséquences pénales et criminelles possibles.
Règle générale, un employeur doit respecter le principe de la progression des sanctions lors de l’imposition d’une mesure disciplinaire, sauf en cas de faute grave. Toutefois, ce principe n’oblige pas un employeur, à chaque occasion, à commencer par une réprimande, puisque la sanction doit être proportionnelle à la faute. Or, le défaut de respecter les règles de SST est généralement considéré comme une faute grave qui peut justifier une mesure disciplinaire sévère dès la première offense.
Un mot sur la défense de diligence raisonnable en matière pénale, codifiée à l’article 239 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Cette défense consiste à démontrer que l’employeur a pris tous les moyens raisonnables à sa disposition pour prévenir la commission de l’infraction. La prise de précautions raisonnables pour éviter la commission de l’infraction s’apprécie selon les trois devoirs de l’employeur : la prévoyance, l’efficacité et l’autorité. Ainsi, afin d’obtenir un acquittement, l’employeur doit non seulement démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables en matière de prévention, de formation et de supervision, mais également qu’il applique de façon concrète ses politiques SST en sanctionnant ses employés lorsqu’un manquement est constaté. C’est malheureusement trop souvent ce dernier point qui fait échec à la recevabilité de la défense de diligence raisonnable.
Compte tenu de l’étendue des obligations légales de l’employeur en matière de SST et des conséquences graves qui peuvent en découler, chaque incident devrait être minutieusement analysé et une mesure disciplinaire proportionnelle à la faute devrait être imposée à l’employé qui n’a pas respecté les règles. Enfin, précisons que le fait de sanctionner sévèrement de tels manquements aura un effet dissuasif pour l’avenir.
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1. R. c. Fournier, 2018 QCCQ 1071
2. R. c. Fournier, 2018 QCCQ 6747