Motifs raisonnables d’exiger des tests de dépistage en cours d’emploi
En cette période où certains employeurs sont confrontés à des salariés qui se présentent au travail avec les facultés affaiblies par la drogue, une intervention rapide lorsque vous avez un doute concernant les facultés affaiblies d’un salarié demeure la meilleure approche.
À ce sujet, nous vous référons à l’affaire Syndicat des salariés de production de portes et fenêtres de la Rive-Sud de Montréal et Fenplast inc.1, dans laquelle un salarié de production contestait, entre autres, l’obligation de signer un protocole de retour au travail l’enjoignant de se soumettre à des tests aléatoires de dépistage de drogues. Ce dernier, alors qu’il chancelait et affichait une démarche irrégulière, s’était évanoui au travail. Alors qu’il allait chercher la carte d’assurance-maladie du salarié qui se trouvait dans son véhicule stationné sur la propriété de l’entreprise, un secouriste a découvert fortuitement un joint de cannabis.
Or, la politique de l’employeur en matière d’alcool et de drogues prévoit qu’un salarié pourrait devoir se soumettre à un test de dépistage en présence d’une cause raisonnable, et l’observation directe de l’utilisation ou la possession constitue une cause raisonnable selon cette politique. Le salarié a donc fait l’objet d’un test de dépistage qui a révélé la présence de cannabis dans son organisme (621 nanogrammes/millilitre alors que le seuil de positivité est de 15 ng/ml). À la suite de ce résultat, le salarié a été contraint de signer un protocole de retour au travail prévoyant l’obligation de se soumettre à des tests aléatoires de dépistage pour une période de deux mois, et ce, afin de s’assurer qu’il soit en mesure d’effectuer son travail en toute sécurité.
Concernant le premier test de dépistage, l’arbitre a conclu que le salarié présentait un trouble justifiant l’employeur de le considérer inapte à occuper un poste à risques. De plus, compte tenu de ses obligations de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité de ses salariés, l’employeur avait des motifs raisonnables de connaître la raison de l’évanouissement du salarié ainsi que la portée réelle de ses aveux concernant sa consommation récréative de cannabis.
Concernant le protocole de retour au travail, c’est sur les recommandations de son expert que l’employeur a exigé que le salarié se soumette à des tests aléatoires de dépistage pendant une période de deux mois. L’expert s’est appuyé sur l’existence d’une relation entre la consommation de cannabis et la performance du salarié, sous l’angle de la sécurité du travail et sur le résultat élevé du test de dépistage. L’opinion de l’expert a convaincu l’arbitre « que le cannabis consommé la fin de semaine a des effets jusqu’au mercredi suivant selon sa teneur en substance active » (par. 228).
Bref, l’arbitre a conclu que le premier test de dépistage et le protocole de retour au travail étaient valides.
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1. 2017EXPT-1054, 2017 QCTA 373, Me Bernard Lefebvre