Grief de harcèlement psychologique: il y a des limites!
En 2004, les dispositions relatives au harcèlement psychologique entraient en vigueur1. Huit ans plus tard, même s’il existe de réels cas de harcèlement psychologique qu’il ne faut pas négliger, nous constatons qu’une grande proportion des plaintes ou des griefs logés résulte d’une mauvaise compréhension de la notion de "harcèlement psychologique". Quoiqu’ils puissent engendrer divers sentiments négatifs, plusieurs événements qui surviennent au travail ne constituent pas du harcèlement psychologique tels que l’exercice normal des droits de la direction, les rapports sociaux difficiles avec une personne ayant, par exemple, un caractère difficile ou les conflits de personnalité entre deux personnes.
L’analyse de la jurisprudence arbitrale permet également de constater que des plaintes ou des griefs de harcèlement sont logés pour contester des faits qui n’ont aucun lien avec le harcèlement psychologique qui est, rappelons-le, "une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste".
À cet égard, un arbitre a accueilli un grief patronal incident contestant le dépôt abusif d’un grief de harcèlement psychologique2. Dans cette affaire, le syndicat avait déposé un grief de "harcèlement psychologique, administratif, abus de droit et de pouvoir, et irrespect de la convention collective". À l’origine, le syndicat alléguait que l’employeur avait, de mauvaise foi, imposé des mesures disciplinaires à un salarié, président démissionnaire du syndicat, à la suite du refus répété de ce dernier de respecter le nouvel horaire de travail. Lors de l’audience, qui a duré huit jours, le syndicat a amendé son grief à trois reprises afin d’y ajouter de nouvelles allégations de harcèlement : réclamation du maintien du salaire du plaignant comme monteur de poulies alors qu’il occupait le poste de concierge dans le cadre d’un rappel au travail, prétentions voulant que l’employeur aurait mentionné le nom du plaignant lors d’une conversation avec un représentant syndical et deux salariés au sujet de la prime de chef d’équipe, etc.
Au terme de la preuve syndicale, le procureur de l’employeur a mis le syndicat en demeure de se désister de son grief prétendant que les allégations de harcèlement psychologique étaient frivoles et gratuites. Devant le refus du syndicat de se désister, l’employeur a déposé, séance tenante devant le même arbitre, un grief patronal pour utilisation impropre de la procédure d’arbitrage et afin de réclamer le remboursement de ses frais et de ceux de l’arbitre.
Dans un premier temps, l’arbitre a rejeté le grief de harcèlement. Par la suite, il a accueilli le grief patronal, jugeant que le syndicat avait fait défaut d’exercer correctement sa discrétion. Il a souligné que même si un syndicat a l’obligation de représenter ses membres, il "ne peut les représenter et prendre fait et cause pour n’importe quoi". Selon l’arbitre, le syndicat aurait dû faire une enquête sérieuse pour déterminer si le grief avait des chances d’être accueilli. Il a conclu que le syndicat "avait été purement et simplement à la remorque du plaignant".
Est-ce le début d’une nouvelle tendance afin de mettre un frein à certains griefs de harcèlement psychologique ou une nouvelle limite jurisprudentielle au devoir de représentation? Il est prématuré d’en tirer une conclusion certaine. Cependant, après huit ans de débats, il était approprié que l’étendue et les limites de ce recours soient mieux définies afin d’éviter une véritable dérive.
Si vous désirez obtenir plus d'information à ce sujet, nous vous invitons à participer à l'atelier du 15 novembre prochain ou à communiquer avec l'un ou l'autre des avocats de notre cabinet. _______________________ 1. Articles 81.18 et s. Loi sur les normes du travail. 2. Convoyeur Continental et Usinage ltée et Syndicat des travailleurs d’usine de Convoyeur Continental (FISA), SA 11-11017, Me Marcel Morin, arbitre.
L’équipe Le Corre & Associés, s.e.n.c.r.l.
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