Gérer les problèmes de santé mentale lorsqu'une réclamation à la CNESST1 est en cause L’étude SALVEO, menée de 2009 à 2012 auprès de plus de 2 100 travailleurs canadiens s’est penchée sur la détresse psychologique, la dépression et l’épuisement professionnel en milieu de travail2. L’étude confirme notamment que tant les facteurs individuels qu’organisationnels peuvent être en cause. Parmi les plus importants: la conciliation travail-famille, l’activité physique, la conception des tâches de travail et la latitude laissée dans l’organisation de celui-ci, de même que la gratification au travail. Or, il n’est pas toujours facile de départager l’impact des facteurs individuels et organisationnels lorsqu’un problème de santé mentale apparaît. Pourtant, cette distinction est essentielle lorsqu’on se penche sur le droit d’un employé de recevoir des prestations de la CNESST. Il existe certaines bonnes pratiques qui devraient être adoptées dès la connaissance d’une réclamation pour lésion psychologique à la CNESST, surtout si des allégations de harcèlement y sont rapportées. D’abord, contactez rapidement la CNESST afin d’identifier l’agent assigné au dossier et lui demander d’obtenir la version de l’employé. C’est l’occasion d’indiquer, d’emblée, que vous aurez besoin d’un délai afin d’en prendre connaissance, d’en vérifier la véracité ou l’exactitude pour pouvoir soumettre à votre tour des commentaires, de préférence par écrit. Vous devez ensuite procéder à une enquête auprès de l’employé et des autres personnes concernées par les allégations que vous aurez obtenues. Questionnez également les personnes qui, sans être directement visées par les allégations, pourraient vous soumettre des faits pertinents, comme par exemple le supérieur immédiat. Il est important de prendre des notes de vos rencontres ou, encore, d’obtenir des déclarations écrites. Même si la CNESST accepte peu de réclamations pour lésions psychologiques, comparativement aux lésions de nature physique, l’employé peut contester un refus d’indemnisation; et un litige devant le Tribunal administratif du travail (ci-après «TAT») peut mener à un tout autre résultat. Vous avez donc intérêt à documenter vos dossiers afin d’être prêt à présenter une défense adéquate si cela s’avère nécessaire. La division de la santé et de la sécurité du travail du TAT n’a pas à déterminer s’il y a eu du harcèlement psychologique ou si l’organisation du travail est déficiente. Le juge doit déterminer si la situation rapportée par l’employé est réelle (les perceptions ne sont pas retenues), si elle déborde du cadre normal du travail et si elle est responsable de la lésion psychologique. En somme, une situation vécue au travail peut être désagréable pour un employé sans qu’elle soit anormale dans le monde du travail ou dans un emploi en particulier. Sans situation anormale, il ne peut y avoir d’événement imprévu et soudain au sens de la loi3, et il n’y aura pas d’indemnisation par la CNESST. Le juge décidera également, si la lésion psychologique en découle, lorsqu’une situation anormale est prouvée. La lésion pourrait plutôt être en lien avec des facteurs personnels. Dans ce contexte, l’expertise psychiatrique est souvent de mise pour bien cerner la lésion, pour documenter les antécédents personnels en santé mentale et les facteurs de stress personnels, s’il y en a, de même que leur rôle dans l’apparition de la lésion psychologique. Ces facteurs personnels peuvent parfois expliquer non seulement la lésion psychologique mais aussi une perception erronée de la situation au travail par l’employé. Les enjeux en lien avec des réclamations à la CNESST reliées à des lésions psychologiques sont importants et très coûteux. Mieux vaut être bien préparé et bien représenté. Si vous désirez obtenir plus d'informations à ce sujet, nous vous invitons à participer à l'atelier "La santé mentale et les relations du travail: comprendre pour mieux agir" ou à communiquer avec l'un ou l'autre des avocats de notre cabinet. _______________________ L’équipe Le Corre & Associés, s.e.n.c.r.l. (1) Depuis le 1er janvier 2016, la CNESST remplace la CSST et le Tribunal administratif du travail – division de la santé et de la sécurité du travail, remplace la CLP. (2) Genre, âge, catégorie professionnelle, secteur économique et santé mentale en milieu de travail : les résultats de l’étude SALVEO, Canadian Journal of Public Health, Mai-Juin 2015, Alain Marchand, PhD, Marie-Eve Blanc, PhD, Pierre Durant, Phd. (3) Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. > Pour vous abonner à Gestion Plus, cliquez ici! |