DES ACTIVITÉS DE SANTÉ ET BIEN-ÊTRE QUI FONT MAL
Est-ce qu’un travailleur blessé dans le cadre du programme de santé et bien-être offert par un employeur peut être indemnisé par la CNESST ? Cette question nous est souvent posée.
D’abord, blessé dans ces circonstances, un travailleur a le fardeau de prouver l’existence d’un événement imprévu et soudain, attribuable à toute cause, survenu par le fait ou à l’occasion du travail et qui entraîne une lésion. Comme pour toute allégation d’accident du travail, une enquête et analyse d’accident rapide et rigoureuse est importante. Réalisée selon les règles de l’art, elle devrait notamment permettre de déterminer s’il existait un lien de subordination au moment de l’accident, à quel endroit celui-ci s’est produit, si l’activité était utile pour l’employeur, si elle était facultative, etc. Dans la décision Myre et Collège Ahuntsic, le TAT-DSST a tenu compte de ces facteurs avant de refuser la réclamation d’une agente administrative qui s’était blessée à la cheville pendant un cours d’autodéfense au Collège. En adhérent au programme de santé et bien-être, la travailleuse pouvait prolonger sa pause-repas pour participer au cours, sur autorisation de son supérieur. Le Collège faisait la promotion du programme et le comité santé et bien-être avait financé une partie du cours. Selon le tribunal, cela ne démontre pas un lien de connexité suffisant avec le travail. Un cours d’autodéfense est sans utilité pour l’employeur et pour l’emploi donné. Il ne s’agit pas non plus d’une condition de travail, mais d’un privilège. Le programme « s’inscrit donc dans l’objectif de bien-être plus général des employés et déborde largement le cadre du travail ». Plus récemment, le TAT-DSST a également refusé la réclamation d’un technicien en informatique qui s'était blessé à la tête au gymnase de l’employeur pendant sa pause-repas, entre autres, pour ce motif : « (…) l’incitation de l’employeur pour adhérer au programme « Cégep en santé » et les modifications aux conditions de travail autorisées pour faciliter la pratique d’activités physiques sont des gestes généraux, posés par plusieurs employeurs et n’ayant qu’une connexité mineure avec le travail. ».
Par contre, le TAT-DSST a reconnu la lésion professionnelle d’une répartitrice médicale d’urgence qui s'était blessée en glissant dans la douche au travail juste avant sa pause-repas. Elle avait utilisé un pédalier fourni par son employeur en répondant aux appels téléphoniques d’urgence. Selon le tribunal, la travailleuse exerçait une activité professionnelle pendant qu’elle pédalait et la douche qui a suivi présentait une certaine utilité pour l’employeur, car elle permettait d’éviter les odeurs désagréables pour les collègues. La Cour supérieure est appelée à se pencher prochainement sur cette décision.
Les employeurs rivalisent de créativité pour fidéliser et attirer les employés et, dans cette optique, les programmes de santé et de bien-être semblent avoir la cote : gestion du stress, amélioration de la nutrition, sport, contrôle du poids, etc. Quoique souvent positives, ces activités comportent néanmoins des risques qu’il faut mettre dans la balance.
Les avocats Le Corre & Associés, s.e.n.c.r.l.
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1 Article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, R.L.R.Q., c. A-3.001 (ci-après « LATMP »)
2 2017 QCTAT 1433, j.a. Francine Juteau
3 Tribunal administratif du travail, Division santé et sécurité du travail
4 Soineus et Cégep Édouard-Montpetit, 2021 QCTAT 1685, j.a. Hugues Magnan
5 Zorzetti et Corporation d'Urgences-santé (CCS), 2022 QCTAT 5055, j.a. Michel Larouche
6 Pourvoi en contrôle judiciaire, 2022-12-12 (C.S.) 500-17-123321-229