DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES CACHÉES À L'EMBAUCHE
Un de vos salariés allègue un accident du travail. À l’occasion d’une expertise médicale, vous apprenez par votre médecin qu’il n’en est pas à sa première lésion professionnelle et qu’il présente des limitations fonctionnelles incompatibles avec l’emploi occupé chez vous. Comment traiter cette réclamation à la CNESST? En répondant d’abord à ces questions:
- Est-ce que les exigences physiques de l’emploi étaient claires?
- Auriez-vous procédé à l’embauche si vous aviez connu les limitations?
S’il appert que le candidat a sciemment choisi d’occuper un emploi à risque de blessures pour lui, sans vous le dire, deux autres questions sont pertinentes :
- Est-ce qu’il y a négligence grossière et volontaire au sens de l’article 27 de la LATMP, susceptible d’entraîner le refus de la réclamation?
- Si la lésion est indemnisée par la CNESST, qui doit en supporter les coûts?
Certaines décisions récentes du TAT ont rejeté les réclamations de salariés qui savaient que leur nouvel emploi comportait un risque de se blesser, compte tenu de leurs limitations. Ce fut le cas par exemple lorsqu’un conseiller en réadaptation de la CNESST a expliqué au salarié, après la première lésion, que ses limitations devaient être respectées et dévoilées dans le choix d’un nouvel emploi1. Toutefois, s’il n’apparaît pas clairement que les limitations fonctionnelles sont incompatibles avec le nouvel emploi ou que la nouvelle lésion ne résulte pas de cette incompatibilité, le salarié pourrait être indemnisé malgré tout2. De plus, s’il subsiste une atteinte permanente grave3, la loi prévoit l’indemnisation, et ce, malgré la négligence.
Si la CNESST indemnise le salarié, l’employeur peut invoquer l’article 326, alinéa 2, de la LATMP, au soutien d’une demande de transfert de coûts, au motif que l’imputation de coûts attribuables à la négligence du salarié aurait pour effet de l’obérer injustement. Dans une décision intéressante, le TAT a récemment accordé un tel transfert. Un mécanicien n’avait pas déclaré ses limitations fonctionnelles à l’épaule. Celles-ci découlaient d’un accident de la route4, antérieur à son nouvel emploi. La SAAQ avait même déterminé qu’il ne pouvait reprendre un emploi de mécanicien et avait offert de la réadaptation pour l’orienter vers un emploi d’enseignant. Dans son nouvel emploi de mécanicien, le salarié s’est blessé, cette fois au genou. L’employeur a prouvé qu’il ne l’aurait jamais embauché s’il avait connu les limitations. Il n’aurait donc pas à assumer les coûts de la nouvelle lésion professionnelle, même si la blessure se trouvait au niveau du genou. Tous les coûts de la lésion au genou, ayant généré plus de deux ans d’indemnisation par la CNESST, ont été retirés du dossier financier de l’employeur. L’employeur a également mis fin à l’emploi du travailleur.
Il importe de garder à l'esprit que chaque cas est particulier lorsqu’on découvre l’omission d’un salarié de déclarer des limitations fonctionnelles. Tout est une question de faits et l’examen méticuleux de ceux-ci sera déterminant dans la gestion de votre dossier et pourrait vous permettre de limiter de façon substantielle les coûts découlant de la lésion professionnelle5.
[1] Arrondissement Mercier/Hochelaga-Maisonneuve et Leclerc, 2018 QCTAT 4553
[2] Scierie St-Elzéar inc. et Poirier, 2018 QCTAT 5941
[3] Ou si le salarié décède après le nouvel accident, selon l’article 27 de la LATMP
[4] Nicolet Chrysler Dodge Jeep RAM, 2018 QCTAT 6268
[5] Pour des détails sur les possibilités de transferts et partages de coûts : Réduire ses cotisations SST par transferts et partages de coûts