Harcèlement psychologique : non seulement faire cesser mais prévenir
L’article 81.19 de la Loi sur les normes du travail prévoit que l’employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et pour le faire cesser dès qu’il est porté à sa connaissance. La première obligation de l’employeur, soit prévenir le harcèlement psychologique, n’a pas fait l’objet de nombreuses décisions. C’est pourquoi, nous désirons porter à votre connaissance deux décisions qui démontrent l’importance de mettre en place des outils afin de prévenir le harcèlement psychologique.
Dans l’affaire Lachapelle-Welman et 3233430 Canada inc.1, un monteur alléguait que trois de ses collègues le harcelaient, en se moquant quotidiennement de lui, en tenant des propos grossiers à caractère sexuel et en l’interrogeant de façon répétée sur des sujets osés, douteux et de mauvais goût. Selon le Tribunal administratif du travail, une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances serait arrivée à la conclusion que cette conduite vexatoire répétée avait entraîné un milieu de travail néfaste pour le salarié. Le juge a conclu que l’employeur avait manqué à son obligation de prévenir le harcèlement psychologique, puisqu’il ne possédait aucune politique en cette matière. Toutefois, il n’avait pas manqué à son obligation de faire cesser le harcèlement, puisque le salarié n'avait jamais exprimé son mécontentement et n'en avait pas parlé à son supérieur. Cependant, comme le salarié a été victime de harcèlement psychologique et que l’employeur a manqué à l’une ou l’autre de ses obligations, la plainte a été accueillie. Dans cette affaire, non seulement l’employeur ne possédait pas de politique, mais il n’a pu démontrer que ses représentants et ses salariés avaient été sensibilisés ou qu’ils avaient reçu une quelconque formation sur cette question. Selon le tribunal, l’utilisation de moyens raisonnables pour prévenir et gérer les situations de harcèlement psychologique requiert pour un employeur de prendre des actions.
Dans l’affaire A.C. et Compagnie A2, une salariée alléguait qu’un collège de travail la harcelait sexuellement (paroles, écrits, attouchements, etc.). La seule preuve à cet égard était celle de la salariée, les représentants de l’employeur n’ayant pas été en mesure d’établir que les affirmations de celle-ci étaient fausses, se contentant d’affirmer que le salarié visé n’était pas le genre de personne à se livrer à des gestes comme ceux dénoncés. Or, selon le tribunal, la salariée a été victime de harcèlement, et elle a porté les faits à la connaissance de son employeur. Le désintéressement évident de ce dernier a fait en sorte qu’il était convaincu, à tort, que la salariée ne lui avait jamais dénoncé une situation problématique pourtant réelle. Il n’a pas respecté ses obligations légales et sa responsabilité est donc engagée. En conséquence, il a été condamné à verser à la salariée 8 000 $ en dommages moraux et 2 000 $ en dommages exemplaires. Dans cette affaire, le juge a notamment retenu le fait que l’employeur n’avait pas établi qu’il avait mis en place une politique pour prévenir et faire cesser le harcèlement. Il écrivait « Bref, le harcèlement psychologique n’est manifestement pas une grande préoccupation au sein de l’entreprise. »3
Ces deux décisions illustrent bien l'importance par l'employeur d'être proactif en matière de prévention.
Si vous désirez plus d'informations à ce sujet, nous vous invitons à vous inscrire à notre atelier Harcèlement psychologique: enquête efficace pour une solution rapide ou à communiquer avec l'un ou l'autre des avocats de notre cabinet.
______________________
1. DTE 2016T-549, 2016 QCTAT 3557 (DRT), juge administratif François Caron.
2. DTE 2016T-589, 2016 QCTAT 4020 (DRT), juge administratif Christian Drolet.
3. Id., par. 48.