Des courriels personnels admis en preuve
La règle générale veut que la preuve de tout fait pertinent à un litige soit recevable en preuve. Toutefois, l’article 2858 du Code civil du Québec prévoit qu’un tribunal doit rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Ainsi, même si une preuve obtenue viole la vie privée d’un salarié, elle pourrait quand même être admissible si le fait de ne pas l’admettre en preuve déconsidérerait l’administration de la justice. De façon générale, l’expectative de vie privée est limitée sur les lieux du travail. Cette attente que l’employeur ne porte pas atteinte à la vie privée d’un salarié est également limitée lorsque le salarié utilise les équipements (ordinateur, portable, cellulaire…) mis à sa disposition par l’employeur. Ainsi, dans Images Turbo inc. c. Marquis1, la Cour supérieure s’est prononcée sur l’admissibilité en preuve du contenu d’un Blackberry fourni par l’employeur, alors que ce dernier avait découvert des courriels échangés entre son ex-employée et un compétiteur en faisant le ménage du téléphone afin de le remettre à un nouvel employé. Le tribunal a fait une distinction entre les courriels échangés avant la date de fin d’emploi de la salariée, soit le 19 mai, et ceux échangés après cette date. Il a conclu que les courriels échangés avant le 19 mai étaient admissibles en preuve, car leur exclusion déconsidérerait l’administration de la justice. Il s’est appuyé sur les motifs suivants pour en arriver à cette conclusion : • | la salariée utilisait tant son adresse et sa boîte de courriels personnels que celles de l’employeur pour communiquer avec ses clients
| • | le Blackberry était la propriété de l’employeur
| • | l’employeur n’avait eu recours à aucun stratagème pour accéder aux courriels de la salariée et il n’y avait aucun mot de passe sur sa boîte de courriels personnels
| Toutefois, le tribunal a refusé d’admettre en preuve les courriels interceptés par l’employeur après le 19 mai, car ceux-ci avaient été interceptés volontairement par l’employeur afin de bonifier sa preuve. Ces courriels ayant été obtenus en violation des droits fondamentaux de la salariée, soit le droit au respect de la vie privée, leur admissibilité en preuve déconsidérerait l’administration de la justice. Dans Commission des normes du travail c. 9043-5819 Québec inc.2, le tribunal a admis en preuve les courriels reçus au travail par une ex-employée. L’employeur avait découvert de façon fortuite dans la boîte de courriels personnels de la salariée, qui était accessible sans mot de passe, que celle-ci avait échangé des courriels avec une entreprise concurrente. Le tribunal a conclu que la preuve ne révélait pas que les courriels avaient été obtenus en violation des droits fondamentaux de la salariée. Il a précisé que c’est l’exclusion de cette preuve qui déconsidérerait l’administration de la justice. Enfin, rappelons que l’adoption d’une politique d’utilisation de l’équipement informatique et des technologies de l’information permet de limiter l’expectative de vie privée d’un salarié. Si vous désirez obtenir plus d'information à ce sujet, nous vous invitons à participer à l'atelier "Rédiger des politiques d'entreprise et manuel d'employés" ou à communiquer avec l'un ou l'autre des avocats de notre cabinet. _______________________ 1. 2013 QCCS 2781 2. 2013 QCCQ 12264 L’équipe Le Corre & Associés, s.e.n.c.r.l.
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