LA RÉCLAMATION POUR LÉSION PROFESSIONNELLE
EST-ELLE IRRECEVABLE ?
Face à une réclamation pour lésion professionnelle, un employeur questionne plusieurs aspects comme les délais à déclarer et à consulter un médecin, etc. Et s’il oubliait une question essentielle : est-ce que la réclamation est hors délai ?
La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, accorde un délai pour réclamer de six mois à compter de la connaissance par le travailleur qu’il est atteint d’une maladie professionnelle (article 272 de la LATMP). Le délai est de six mois de la survenance d’un autre type de lésion professionnelle, soit un accident du travail ou une rechute, récidive, aggravation (articles 270 et 271 de la LATMP). Lorsque la lésion résulte de violence à caractère sexuel, le délai est de deux ans de la lésion (articles 270, 271 de la LATMP) ou dans les deux ans où il est porté à la connaissance du travailleur qu’il est atteint d’une maladie professionnelle (article 272 de la LATMP). Ces délais sont de rigueur. Le défaut de les respecter entraîne généralement l’irrecevabilité de la réclamation, à moins que le travailleur puisse justifier son retard par un motif raisonnable dont la preuve lui incombe. Le point de départ de la computation du délai n’est pas nécessairement la date de lésion alléguée par le travailleur dans sa réclamation puisque la lésion est peut-être apparue bien avant. Il faut donc pousser l’enquête un peu plus loin.
Dans un premier exemple tiré de la jurisprudence récente, une travailleuse a soumis sa réclamation un mois après un troisième arrêt de travail en trois ans pour une lésion psychologique. Pour elle, le point de départ du délai courait seulement à compter de son dernier arrêt de travail, un point culminant. Elle n’a pas réclamé avant pour éviter un « champ de bataille » avec son employeur. Selon le Tribunal, le délai courait à partir du moment où le médecin a posé le diagnostic de la lésion professionnelle alléguée, lors du premier arrêt de travail, donc trois ans auparavant. La preuve médicale a révélé qu’elle reliait déjà à cette époque son état à une situation de harcèlement allégué au travail. Privilégier les assurances-collectives par crainte d’un litige avec l’employeur n’est pas un motif raisonnable et il n’y a pas de preuve d’une incapacité à respecter le délai. La réclamation a été déclarée irrecevable.
Dans un deuxième exemple, une travailleuse a allégué une maladie à l’épaule et au cou en raison d’une posture contraignante en télétravail. Même si son médecin a complété une attestation médicale pour la CNESST peu de temps avant la réclamation, la travailleuse avait depuis au moins deux ans une connaissance suffisante de l’existence d’une possible maladie professionnelle. C’est en effet à cette période qu’elle a mentionné à son médecin des douleurs et des problèmes avec son poste de travail, qu’elle a d’ailleurs modifié à ses frais. Pendant ces deux années, elle a reçu des traitements et a consulté des spécialistes. L’espoir d’atténuation de la douleur, le temps requis pour qu’un diagnostic se précise et l’absence de recommandation de son médecin ou de son employeur visant le dépôt d’une réclamation ne sont pas des motifs raisonnables pour réclamer hors délai. Sa réclamation a été déclarée irrecevable.
Le point de départ pour calculer le délai de réclamation est parfois difficile à identifier. C’est la preuve factuelle et médicale qui permet de le faire et, la plupart du temps, de vérifier l’existence d’un motif raisonnable.
Les avocats Le Corre & Associés inc., s.e.n.c.r.l
RLRQ, c. A-3.001 (ci-après « LATMP »)
M.L.et Ministère A., 2025 QCTAT 168 (SST), j.a. François Aubé
Garneau et Ministère de la Sécurité publique, 2025 QCTAT 1533 (SST), j.a. Guy Grantham