LE POINT SUR LES DEUX JOURNÉES D'ABSENCE PAYÉES PAR ANNÉE PRÉVUES À LA LOI SUR LES NORMES DU TRAVAIL
Parmi les modifications apportées par le législateur lors de la dernière réforme de la Loi sur les normes du travail (LNT), il est prévu que les deux premières journées d’absence prises annuellement par un salarié pour l’un des motifs prévus aux articles 79.1 (notamment la maladie personnelle du salarié) ou 79.7 LNT (obligations familiales) sont rémunérées comme si elles étaient des jours fériés. Pour être éligible à cette rémunération, le salarié doit justifier de trois mois de service continu auprès de son employeur.
D’emblée, des clarifications s’imposent quant à ces deux jours de congé payés : un salarié a droit à un total de deux jours rémunérés par année, point à la ligne. Le législateur a pris soin d’indiquer que « l’employeur n’est pas tenu de rémunérer plus de deux journées d’absence au cours d’une même année, lorsque le salarié s’absente du travail pour l’un ou l’autre des motifs prévus à ces articles ».1 À titre d’exemple, un salarié ne peut réclamer une rémunération pour deux journées de maladie et deux journées pour obligations familiales.
De plus, si un salarié bénéficie déjà d’une banque d’au moins deux journées de congé qui peuvent être utilisées pour les motifs mentionnés précédemment, la LNT n’aura pas pour effet d’y ajouter deux journées supplémentaires. Ceci découle du principe que la LNT, étant d’ordre public, prévoit les normes minimales que doivent respecter les employeurs2. Ces normes ne viennent pas bonifier les conditions octroyées par un contrat de travail (individuel ou une convention collective) lorsque celles-ci sont équivalentes ou supérieures à la loi.
Prenons l’exemple suivant : le contrat de travail ou la convention collective prévoit quatre congés de maladie rémunérés par année. Un salarié avise son employeur qu’il est malade et il n’est pas en mesure d’entrer au travail pendant deux jours. L’employeur pourra alors comptabiliser ces deux journées en tant que congés de maladie en vertu du contrat de travail et aussi comme journées d’absence prises en vertu de la LNT. Ainsi, si ce même salarié doit s’absenter plus tard dans l’année, mais pour des motifs liés à des obligations familiales, il n’aura pas droit à une rémunération en vertu de la LNT, ayant déjà été payé pour deux absences dans l’année.
Toutefois, l’employeur ne pourra pas faire la même chose si le motif invoqué par le salarié pour s’absenter en vertu de la LNT n’est pas couvert par les congés accordés en vertu du contrat de travail ou de la convention collective. Prenons l’exemple suivant : le salarié bénéficie d’une banque annuelle de quatre jours de congé de maladie, et il doit s’absenter deux jours pour remplir des obligations familiales. Dans un tel scénario, l’employeur ne pourra pas déduire ces deux journées d’absence de la banque de congés de maladie à laquelle a droit le salarié, car ces congés ne visent pas le motif d’absence invoqué par le salarié. Par conséquent, ce dernier aura encore droit à ses quatre jours de congé de maladie.
C’est en ce sens qu’a conclu un arbitre alors qu’il était saisi d’un litige portant sur l’interaction entre les absences prévues par l’article 79.7 LNT et une banque de congés de maladie3. Même si la décision a été rendue avant la modification de la LNT, le raisonnement de l’arbitre est toujours d’actualité. Dans cette affaire, le salarié a dû s’absenter une journée pour s’occuper de son épouse. L’employeur a refusé d’accorder l’absence sans solde en vertu de l’article 79.7 LNT comme l’avait demandé le salarié, et a plutôt rémunéré ce dernier en puisant dans sa banque de congés de maladie. Le syndicat a déposé un grief contestant la décision de l’employeur et réclamant que les heures soustraites soient restituées.
Après analyse, l’arbitre Ménard a fait droit au grief en soulignant la nature différente de l’absence et des congés en question :
« [56] […] Ce sont effectivement des congés dont la prise relève de la seule discrétion de salariés et des congés qui peuvent servir à des fins familiales en raison de leur nature personnelle. C’est dire qu’à moins qu’un salarié donné n’y consente, l’Employeur ne peut l’obliger à prendre un congé personnel à même sa banque découlant de la clause 18.01 si sa justification est d’ordre familial. En d’autres termes, la clause 18.01 de la convention collective devient inapplicable à des congés pour fins familiales si le salarié visé refuse qu’on s’y réfère, d’où l’impossibilité juridique pour l’Employeur d’en exiger le respect jusqu’à épuisement des banques. »
Le droit d’imposer la prise de congé d’une banque en particulier suscite déjà beaucoup de questions. Chaque cas est un cas particulier qu’il faut analyser en fonction de la rédaction des textes du contrat de travail ou de la convention collective, et du comportement des parties dans le passé.
Il n’est pas interdit de prévoir, explicitement dans le contrat de travail individuel ou la convention collective, que des journées monnayables d’absences maladie ou pour obligations familiales prises en vertu de la LNT seront rémunérées à partir des banques de congés [énumérer les banques de congés dans lesquelles vous voulez puiser les congés] prévues au contrat de travail ou à la convention collective. D’ailleurs, en procédant de cette façon, l’employeur s’évitera bien des maux de tête et simplifiera la gestion des absences et des congés dans son entreprise.
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1. Article 79.16, 2e alinéa LNT
2. Article 93 LNT
3. PPG Revêtements architecturaux Canada inc. et Syndicat des employés de Sico inc., 2014 QCTA 615 (T.A.)