UN MONDE STRESSÉ : COMMENT RÉAGIR?
Pourquoi se questionne-t-on de plus en plus sur le droit à la déconnexion1, sur un plus grand accès à l’indemnisation des lésions psychologiques par la CNESST2, sur la prévention pour assurer le bien-être des salariés et favoriser le recrutement par une promesse de vie plus saine?3 Parce que des salariés se font un sang d’encre pour toutes sortes de choses : surcharge de travail, jonglerie entre les vies personnelle et professionnelle, changements au travail, charge mentale, courriels qui s’accumulent, construction et conditions hivernales qui retardent le trajet de la maison au travail, COVID-19, etc. Certains salariés ne peuvent plus, à un certain moment, s’adapter. Les répercussions se font inévitablement sentir au travail. Comment réagir?
D’abord, un salarié ne s’absentera pas toujours. Un employeur pourrait exiger une confirmation de sa capacité à travailler si, par exemple, il constate un manque de concentration flagrant ou un comportement préoccupant comme une attitude colérique ou des propos étranges. On pourrait craindre un danger ou une incapacité du salarié à fournir sa prestation de travail. La capacité du salarié pourrait être vérifiée auprès de son médecin et, parfois, par une expertise médicale.
Certains salariés se tourneront vers la CNESST pour obtenir une indemnisation selon la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Pour l’instant4, certains principes sont largement applicables. Notamment, une surcharge de travail doit être réelle. Le salarié doit la prouver concrètement, notamment par des chiffres. Même réelle, la surcharge peut s’expliquer par des circonstances ponctuelles que l’employeur ne peut éliminer en claquant des doigts. Travailler une heure de plus par jour pendant trois mois pour permettre le recrutement d'un salarié à la suite d’une invalidité ne déborde pas d’un cadre prévisible au travail. La lésion psychologique qui en découlerait serait plus difficilement indemnisable que celle qui surviendrait après un surplus de travail d’un an en raison de démissions successives. Tout est une question de circonstances. La CNESST reconnaît habituellement ce qui ressort de circonstances susceptibles de se produire au travail, pas simplement une situation désagréable pour le salarié. Au surplus, le travail doit expliquer de façon prépondérante la lésion diagnostiquée, plus que tout autre facteur de stress personnel.
En cas de refus par la CNESST, doit-on conclure que le salarié peut offrir sa prestation de travail normale? Pas nécessairement. Une lésion psychologique peut être le résultat d’une perception erronée du travail qui ne sera pas reconnue par la CNESST, de problèmes personnels comme un deuil, un épuisement parental ou un mélange de tout ça. Le salarié qui n’est plus en état de travailler peut se tourner vers l’assurance-invalidité ou l’assurance-emploi, le cas échéant, pour des périodes données. Attention : le lien d’emploi n’est pas rompu! L’absence et la prolongation de celle-ci doivent être justifiées médicalement. Vous avez le droit de communiquer avec le salarié afin de tenter de mieux prévoir son remplacement.
Enfin, un retour au travail ne devrait pas être traité à la légère non plus. C’est l’employeur qui l’autorise, pas le salarié qui l’impose. Si un salarié vous informe un vendredi après-midi qu’il revient au travail dès le lundi, après trois mois d’absence pour une dépression majeure, cette guérison peut sembler surprenante pour un diagnostic aussi sévère. Ce retour au travail surprise serait-il motivé par l’insécurité financière d’un salarié qui ne va pourtant pas mieux? Vérifiez, médicalement, si la capacité réelle du salarié pourrait permettre d’assurer un retour au travail durable pour le bénéfice de tout le monde, même si le retour au travail est repoussé.
La santé mentale est dans l’ère du temps. Même si elle implique souvent des situations délicates, des solutions existent. Comme ce phénomène occupe une place importante et grandissante de la gestion des ressources humaines, mieux vaut être préparé5.
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1. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1536685/droit-deconnexion-jean-boulet-ministre-travail
2. https://www.ledevoir.com/politique/quebec/568798/la-reforme-boulet-misera-sur-la-prevention-obligatoire
3. Entre autres par le télétravail ou des horaires flexibles, lorsque la nature de l’emploi et le lien de confiance avec le salarié le permettent.
4. Nous sommes à l’aube du dépôt d’un projet de loi visant la modernisation du régime de santé et de sécurité au travail.
5. Pour des conseils sur ce sujet, voir notre formation : Santé mentale et relations du travail : comprendre pour mieux agir, 23 avril 2020.