L'expectative de vie privée au travail à l'ère des médias sociaux Le droit à la vie privée est consacré dans le Code civil du Québec1 et est également protégé par la Charte des droits et libertés de la personne qui prévoit que « toute personne a droit au respect de sa vie privée2». En contexte de relations du travail, il est important de déterminer les limites de la sphère de la vie privée d’un salarié. Précisons pour commencer que tout ce qui se passe au travail n’est pas automatiquement soustrait du domaine de la vie privée et que de façon inverse, les activités personnelles d’un salarié peuvent, dans certaines circonstances, justifier une intrusion de la part de l’employeur. Au cours des dernières années, l’arrivée massive des équipements informatiques et des technologies de l’information ont amené les tribunaux à se pencher sur une dimension de cette expectative de vie privée : est-ce qu’un salarié qui utilise les équipements fournis par son employeur (portable, cellulaire) à des fins personnelles a une expectative de vie privée ? Pour analyser cette question, nous ne pouvons passer sous silence les arrêts rendus en matière criminelle au cours des deux dernières années par la Cour suprême du Canada. Cette dernière a clairement exprimé l’avis que la fouille d’un ordinateur ou d’un cellulaire personnel constituait une des atteintes les plus graves à la vie privée d’une personne. Par exemple, dans l’affaire R. c. Vu3, la Cour suprême concluait que même si la perquisition effectuée dans un lieu était justifiée, elle ne permettait pas de fouiller les ordinateurs personnels. En relations du travail, comme l’ordinateur ou le cellulaire est souvent fourni par l’employeur, le salarié peut-il avoir une attente raisonnable du respect de sa vie privée lorsque, par exemple, il envoie ou reçoit des courriels ou qu’il «clavarde» avec l’équipement fourni par l’employeur? L’analyse de la jurisprudence révèle que l’expectative de vie privée est limitée lorsque le salarié utilise les équipements de l’employeur. D’ailleurs dans l’arrêt R. c. Cole précité de la Cour suprême, même si le juge Fish indique qu’il ne se prononce pas sur le droit des employeurs de surveiller les ordinateurs qu’ils mettent à la disposition de leurs employés, il ne condamne pas la fouille menée par l’employeur. Au contraire, la cour semble confirmer que l’enquête menée par l’employeur était légitime. Le juge Fish souligne même : «Le pouvoir légitime de son employeur – un conseil scolaire – de saisir et de fouiller l’ordinateur portatif ne conférait pas à la police le même pouvoir»4. En relations du travail, il a été reconnu qu’un employeur ne portait pas atteinte à la vie privée d’un employé en accédant à son ordinateur personnel afin de vérifier, par exemple, s’il exécutait ses tâches ou respectait une politique. À ce sujet, précisons que l’adoption d’une politique peut faciliter l’exercice de la surveillance des outils informatiques, de l’Internet et des médias sociaux, puisque les employés connaissent alors les limites de leur employeur à cet égard. De plus, l’adoption d’une politique permet de réduire «l’expectative de vie privée», L’employé qui sait que son employeur peut surveiller l’utilisation qu’il fait de l’Internet ou des médias sociaux au travail peut difficilement prétendre qu’il s’attendait à ce que sa vie privée soit protégée. Si vous désirez obtenir plus d'information à ce sujet, nous vous invitons à participer à l'atelier «La surveillance de vos employés à l'ère des médias sociaux» ou à communiquer avec l'un ou l'autre des avocats de notre cabinet. L’équipe Le Corre & Associés, s.e.n.c.r.l. > Pour vous abonner à Gestion Plus, cliquez ici! 1. Articles 3, 35 et 36 2. Article 5 3. R. c. Vu, 2013 CSC 60 - Voir également R. c. Cole, 2012 CSC 53; R. c. Spencer 2014 CSC 43 4. R. c. Cole précité, par. 10 |